À l’ASSAUT DE PARIS 2024
Protégé : RUGBY À 7 – PRENDRE LA LIGNE D’AVANTAGE
[1]Haïku de la Poétesse japonaise Madoka Mayuzumi
Entretien avec le Nageur Lucien Vergnes avant son départ aux USA – Juillet 2024
Pour savoir si un poisson est frais, regardez sa brillance. D’une manière générale, ses écailles et ses yeux. Démarche dégingandée, Lucien Vergnes n’est pas une carpe endormie. L’ensemble a de la tenue et non du laisser-aller. A peine âgé de 13 ans, ce fut Richard Martinez, artisan pêcheur-mareyeur, perché en haut des montagnes catalanes qui l’avait repéré à son œil franc et déterminé d’un bleu joyeux. Insuffisance de pratique de la natation, incapable de réaliser les minima demandés pour intégrer le pôle espoir du CNEA de Font-Romeu, Richard Martinez n’a pas hésité longtemps à le garder dans l’épuisette alors qu’il ne faisait pas la maille. Son histoire lui a donné raison. Sous la férule de Philippe Schweitzer, l’« entraîneur fourmi » (comme il aime à s’afficher) du Pôle France Natation de Font-Romeu, Lucien nage aujourd’hui comme un poisson. Ses performances sont prometteuses : Champion d’Europe junior du 200m brasse en 2022, puis aux Championnats d’Europe l‘U23, l’année suivante, Lucien n’a pas réussi passer le cut de la sélection olympique à trois dixièmes de seconde.
Après 6 belles années passées au CNEA de Font-Romeu, Bac S mention bien en poche, Lucien s’est envolé rejoindre Dave Salo, le successeur de Bob Bowman l’entraîneur de Léon Marchand à l’université d’Arizona State University pour se préparer pour les JO 2028 de Los Angeles. Le début d’une nouvelle aventure et de nouvelles étapes à franchir. Qu’importe ! La nuit, les poissons rêvent ; (qu’) ils volent !
Retour sur un parcours exemplaire.
D’où viens-tu et comment es-tu arrivé à la natation ?
Mes parents se sont rencontrés à la piscine. Tous deux étaient des nageurs passionnés de sport et notamment de la natation. Ma mère s’entraînait même deux à trois fois par jour pour se préparer au 25 kilomètres en eau libre. Ils ont un temps arrêté de nager pendant leurs études. Mon père est ingénieur en aéronautique à Toulouse, et ma mère est avocate en droit pénal. Puis ils ont repris la natation et ont participé aux compétitions Master. J’ai 19 ans et j’ai une sœur cadette de trois ans de moins que moi qui nage également dans un club de niveau National (ES Massy – Natation 91).
Leur souhait était que je sache nager. J’ai donc commencé avec les bébés nageurs. Très jeune, j’étais hyperactif et j’ai pratiqué beaucoup de sports : rugby, judo, danse, en plus de la natation. J’ai tout de suite adoré la natation, la sensation d’être dans l’eau, et c’est ainsi que j’ai continué. Avec le temps, j’ai aussi développé une passion pour la compétition et j’ai découvert que je pouvais concilier ces deux aspects. Ce que j’aime vraiment dans la natation, c’était le côté compétition et l’aspect technique du sport.
Qu’est-ce que tu entends par sensation ?
La natation procure une sensation unique : la glisse, la vitesse, le calme. Le calme oui, c’est important. J’apprécie particulièrement l’idée du dépassement de soi, le fait de repousser ses limites. Quand tu explores ta nage à des intensités et des charges importantes, dans des espaces où tu n’as pas l’habitude d’aller, tu prends conscience que les limites auxquelles tu pensais ne sont que des représentations. En réalité, je ne me fixe pas trop de limites. L’important est de sortir de l’eau en étant allé au bout de soi-même. J’aime être content de ce que j’ai produit et j’aime gagner. Je marche au plaisir avant tout, que ce soit à l’entraînement ou en compétition. C’est primordial pour moi. Je suis convaincu que c’est la meilleure démarche pour performer. Et le jour où je n’éprouverai plus de plaisir, je rangerai le bonnet et les lunettes.
Selon le philosophe Spinoza[1], « le désir augmente la puissance d’agir ». Est-ce que cette citation fait sens par rapport à ton parcours ?
Mon désir de performer est tel que je prends tout ce qui me parait faire sens par rapport à mon rêve. J’ai pris beaucoup de plaisir à m’entraîner ici pendant ces 6 années à Font-Romeu mais je pense que « j’en ai fait un peu le tour ». Et c’est vrai que ces derniers temps, je suis rentré plus dans une routine, l’habitude, et même une certaine lassitude. Moi, j’aime être surpris et vivre des choses nouvelles. C’est pour cela que j’ai décidé d’intégrer une université américaine et aller m’entraîner là-bas. Je pense que c’est le bon moment. J’ai besoin de me renouveler, de faire de nouvelles rencontres, d’échanger, d’expérimenter, d’apprendre dans un autre cadre. Mon désir est d’aller ailleurs pour reconstruire mon monde. Ainsi, je m’apprête à partir pour chercher des défis plus grands et continuer à évoluer, tant sur le plan technique que personnel. C’est cette quête de nouveauté et de performance qui me pousse à aller de l’avant.
Avec Philippe, vous avez pris le temps de vous apprivoiser mutuellement. Le changement risque être radical. Il te faudra t’adapter à un nouvel environnement, à une autre langue, à une autre culture, à d’autres façons de t’entraîner, … Trouver ses marques, créer des liens dans un autre lieu, un nouveau contexte, avec des nageurs et des entraîneurs que tu ne connais pas… Le défi est immense !
Le temps passé avec Philippe, nous a permis de nous connaitre, de nous comprendre et de bien communiquer. Même si on partage les mêmes valeurs, on est très différent. J’ai énormément évolué avec lui et je pense que lui aussi a beaucoup évolué avec moi et avec le groupe des nageurs de Font-Romeu. Ce n’est pas une relation à sens unique descendante où l’entraîneur te dit ce que tu dois faire. On est vraiment dans le partage et l’échange. Si je ne comprends pas pourquoi on fait ceci ou cela, ou si je pense qu’il serait intéressant d’aller chercher dans une autre direction, Philippe réfléchit sur mes remarques pour ensuite préciser ou ajuster ses propositions.
Qu’est-ce que tu entends par différent ?
Philippe veut tellement bien faire qu’il voudrait tout faire, tout mesurer, tout calibrer, tout… Il ne veut rien laisser au hasard. Avec le temps, ça m’a beaucoup impacté et je pense que je suis devenu plus rigoureux que je ne l’étais. J’ai toujours gardé en moi une certaine « folie » dans le sens « créativité ». J’ai un peu de mal à rentrer dans une norme. Je n’ai pas du tout le même profil mais on est vraiment complémentaire dans nos différences. Et puis on échange beaucoup. Notre « couple » marche plutôt bien.
La notion de « couple » est très intéressante dans la relation du binôme « athlète – entraîneur ». Elle induit la notion d’écart. L’écart ou « l’entre » est cet espace indéterminé où chacun peut aller ou pas vers l’autre. Dès lors que tu es totalement en phase avec l’entraîneur, l’écart disparait, les choses coïncident. Il n’y a plus de tension, plus d’élan, plus de déplacement. L’écart permet un élan. Parfois ça peut tirailler mais le binôme reste pleinement vivant ce qui le préserve sa capacité à évoluer. Et c’est le rôle de l’entraîneur de maintenir cette tension au quotidien.
Oui, j’avoue. C’est pour ça qu’on l’on a besoin d’un entraîneur. Je ne crois pas que l’on puisse vraiment progresser en nageant tout seul. Il est important d’avoir un entraîneur qui a envie d’être dans ce type de relation, ce qui suppose d’accepter nos différences de points de vue. Aujourd’hui, j’ai également besoin de m’appuyer sur mes sensations et en même temps comprendre pourquoi Philippe me propose ceci ou cela. Après, c’est à moi de vérifier si cela marche ou pas.
Pourrais-tu donner un exemple ?
Lors des échauffements, j’ai besoin d’avoir des bonnes sensations. Il faut que je sente la vitesse, l’eau s’écouler sur moi. C’est une sensation très précise. Sans pour autant mettre des mots dessus. En chambre d’appel, j’ai besoin d’éprouver la sensation de chaleur de mon corps. Quand j’ai un petit peu de buée sur mes lunettes, c’est plutôt bon signe. Des petits repères comme ça.
Lorsque Philippe me propose un 4 fois 50 m à l’échauffement et que j’arrête à 3 parce que je me sens bien, ça le fait râler. Parfois, j’en ai besoin de 5 ou 6. Et puis il me laisse choisir parce qu’il sait qu’au fond, ça marche.
Philippe ne peut pas être sur les sensations parce qu’il ne nage pas alors que pour moi cet aspect est premier du fait que c’est moi qui nage. Il s’accroche beaucoup plus au chrono, aux coups de bras et tout. C’est pour cela que l’on est complémentaire.
Lorsque tu t’entraînes, est-ce que tu portes une attention particulière à certaines parties de ton corps ? Par exemple, l’action de la cheville dans le battement, la position de ta jambe, … la sensation de pression de l’eau sur les parties du corps ? C’est un travail de chercheur où il faut être à l’affut de sensations.
Oui beaucoup, surtout en brasse, ma spécialité. Il m’arrive souvent de porter attention à mes angles de flexion au niveau des jambes, à l’ouverture de mes pieds. J’essaye même de les isoler, pied droit, pied gauche, … pour ressentir plus précisément mes appuis sur l’eau, je suis également attentif à la contraction, la décontraction….
Assez jeune, quand j’ai obtenu ma première qualification en équipe de France Junior, Grégory Mallet (je pense) nous avait invités à porter notre attention sur toutes les sensations qu’on ressent quand on nage. Et je ne me suis jamais vraiment décroché de ça parce que j’ai besoin de sentir toutes les parties de mon corps.
Peu de nageurs sont aussi attentifs à ces aspects. C’est pourtant un aspect capital. Le problème du nageur est d’offrir le moins de résistance possible à l’avancement et d’augmenter la force de propulsion. C’est un problème hydrodynamique qui à la fois exige de trouver les bonnes lignes de corps, et d’engager des forces propulsives.
Oui c’est ça, il faut donc beaucoup chercher pour trouver les bons alignements et lignes de corps les plus efficaces pour aller vite. J’ai besoin de sentir tout ça. Tu apprends à bien connaitre ton corps par les sensations notamment lors de la fatigue à l’effort. Elles se situent parfois au niveau respiratoire, au niveau des bras, de tout le corps. Il faut habituer le corps à rester en éveil, même avec la fatigue. Ce n’est pas évident car cela demande beaucoup de concentration pour maintenir des intentions. Même lors d’entraînements a priori faciles. Lors de ces types d’entraînement, la fatigue est plus nerveuse et mentale que physique du fait que l’on n’est pas en conduite automatique. Sur des séances difficiles, j’ai parfois besoin de couper mentalement en nageant des 400 mètres pour me déconnecter le cerveau. Cela me permet de me mettre en pause, une pause « intellectuelle », ce qui permet ensuite de mieux me ressaisir et de me relancer sur mes intentions. Je suis souvent complètement crevé à la fin de la séance sans pour autant qu’elle ait été très difficile.
Tout le monde n’éprouve pas cette fatigue mentale. Peut-être que certains sont tellement habitués à un tel niveau de concentration qu’ils fatiguent moins. Peut-être ne sont-ils pas du tout engagés dans la même démarche que la mienne. Moi, je sais que j’ai besoin d’être 100% concentré.
Le haut niveau exige un investissement et une présence permanente à la situation. C’est la clé invisible de l’entraînement. Tu peux avoir deux nageurs qui s’entraînent cote à cote. L’un est dans sa nage, l’autre est absent, il est ailleurs. Ils peuvent réaliser le même temps ; mais l’un est dans un processus de transformation et pas l’autre.
C’est bien l’objectif de l’entraînement, de partir de ce que tu sais faire et enclencher un processus de transformation qui permet de devenir « autre », à proximité de ce que tu es. In fine, cela fait toute la différence entre des compétiteurs capables de réaliser des finales nationales et ceux qui vont accéder au plus haut niveau international.
Cette disponibilité mentale demande beaucoup d’entraînement. Mener un projet sportif et universitaire de front est très épuisant. Lorsque tu vas à l’entraînement après les cours, le vestiaire pour me changer devient un sas où tu switches pour être prêt mentalement au moment où tu rentres dans le bassin. L’échauffement fait partie de la séance. Parfois, quand je suis fatigué, mon attention distraite peut agacer Philippe lorsqu’il présente la séance. Il m’arrive de ne pas le regarder dans les yeux ou d’échanger quelques mots avec mon voisin. Je ne peux pas rester concentré tout le temps, très longtemps, notamment lors des discours collectifs quotidiens. J’ai besoin de fantaisie. Cela ne dit pas que je n’entends pas ce qu’il dit, ni que je ne vais pas appliquer ses consignes.
Le terme concentré me fait penser à du jus de tomate en boite. Certains athlètes sont tellement concentrés qu’ils ne sont plus dans l’écoute de leur corps, disponibles et présents à eux-mêmes, trop soucieux d’appliquer docilement, à la lettre, les consignes de l’entraîneur.
Et moi, j’ai besoin de fantaisie, c’est mon caractère et ma ligne directrice. Je suis jeune, j’ai besoin de faire des choses, de voler… et puis aussi, d’expérimenter, de me confronter à de nouvelles situations, de jouer. J’ai du mal avec les choses trop carrées où il n’y a pas de place à la fantaisie.
On peut être fantaisiste et très sérieux dans son application et son engagement à l’entraînement. C’est une histoire de perception. Certains entraîneurs considèrent qu’un athlète est branleur juste parce qu’il n’a pas les mêmes codes que celui qu’il entraîne.
Avec Philippe, nous sommes très proches parce que nous aimons tous les deux la performance et le dépassement de soi – la gagne. Nous sommes pourtant très différents du fait de nos parcours. Peut-être que quand j’aurai son âge, je verrai les choses de la vie différemment.
Philippe a été 30 ans professeur de gym. Ça dit quelque chose de sa vision, de ses valeurs et de son mode de vie. Il aime bien rester dans sa maison, il aime l’organisation, la planification, les routines, … Philippe est habité par la quête d’excellence. Il est très curieux de ce qu’il se fait dans l’entraînement. Il avance des hypothèses, test des nouveaux outils de mesure… Mais sa force première est sa capacité à se remettre en question.
Pour autant, sa façon de s’y prendre pour résoudre un problème est à l’opposé de la mienne. Dans la mesure où on l’on recherche tous les deux la performance, on finit par se comprendre, s’ajuster et trouver. Notre force est dans nos différences et nos complémentarités, dans l’écart dont tu parlais.
Le métier d’entraîneur n’est pas facile, car il faut être capable à la fois de créer une dynamique collective dans la bonne humeur et tenir compte de la singularité de chacun.
Au niveau du groupe, ça s’est bien passé pour moi. Je sais que pour d’autres nageurs, cela a été plus difficile. En ce qui me concerne je n’ai jamais été trop en concurrence avec un adversaire direct à l’entraînement. Il arrive qu’un entraîneur porte une plus grande attention à un nageur par rapport aux autres. Philippe est attentif à cela pour ne pas prendre le risque de faire exploser un groupe. Chaque nageur aime que son entraîneur lui porte attention. J’aime qu’à la fin d’une longueur, il me fasse un feedback, un retour, même un petit mot : c’est bien ! Et moi, j’aime qu’on me donne de l’attention.
Est-ce que tu te souviens de ce jeune Lucien qui avait déposé son balluchon à 13 ans à Font-Romeu.
Quand je suis arrivé, j’étais blindé de rêves. Je voulais être le meilleur du monde. Je voulais être champion olympique. J’ai donc fait ce pas d’aller à Font-Romeu pour m’amener vers mon rêve. Mais j’étais à 10 000 lieues de savoir comment ça allait se passer. J’ai tellement appris tout au long de ces années et je continue à apprendre. Surtout sur la discipline et aussi l’indiscipline. J’ai vraiment appris de partout. Ces années ont été très importante dans mon développement personnel. Quand je suis arrivé, je me suis dit, c’est cool, je n’aurais pas les parents sur le dos. Au final, ils ont fini par me manquer. On a réussi à trouver la bonne distance. J’étais content de les voir à chaque fois, cela m’apportait chaque fois un surplus d’énergie. Ils ont toujours été mes premiers supporters. Cela n’a jamais été un sacrifice, avec des moments difficiles certes, mais tellement heureux de m’approcher de mes rêves d’adolescent.
Est-ce que parfois, perché dans ces montagnes catalanes, n’as-tu pas éprouvé un sentiment de solitude ?
C’est souvent l’image véhiculée. Oui on est un peu en immersion (pour un nageur ça se conçoit), mais on apprend à apprécier le calme et la nature. Moi qui étais toujours un peu hyper actif, avec le besoin de tout le temps faire quelque chose de peur de m’ennuyer, j’ai beaucoup changé. Cette pseudo-solitude a été absorbée par la dynamique du groupe des nageurs. On est devenu une famille. Après le bac S (mention bien), je suis resté à Font-Romeu en suivant en distanciel une licence en mathématiques. Je n’ai pas pu continuer à cause de l’isolement et des contraintes de l’entraînement et je me suis mis à l’anglais pour me préparer au Duolingo English test, nécessaire pour intégrer une université américaine. Au début, je dormais dans la grande tour du CNEA mais les chambres sont tellement petites que l’on réfléchit trop. Après, j’ai loué un appartement mais je devenais un peu enfermé. Ce fut une période un peu plus difficile.
A l’issue des JO de Tokyo en 2021, un débat a été organisé avec les entraîneurs des équipes de France des Sport collectifs pour comprendre ce qu’il s’était passé pour remporter 6 médailles Olympiques[2] Une des explications avancées auprès de la ministre a été de considérer que la crise COVID avait contraint les équipes à passer beaucoup plus de temps en vase clos. Donc plus d’entraînement, moins de risque de dispersion et de distraction. Cela a permis de créer une véritable famille avec des liens très forts entre eux. Pendant ces années d’adolescences, ne rêvais-tu pas de sortir, de faire la fête, d’aller dans des endroits de vie plus gais, plus stimulants que l’hiver à Font-Romeu ? Certains sportifs ne s’en sont jamais remis. Cela ne t’a pas manqué ?
Un petit peu ! J’ai de la fantaisie, je reste lucide. Si je veux que mon rêve devienne réalité, il est nécessaire de tenir ses objectifs et de beaucoup travailler. Même si j’ai toujours un peu la connerie en moi, je ne peux pas aller faire la fête tous les soirs. Font-Romeu a vraiment été le bon endroit pour grandir et me cadrer. J’ai vraiment adoré ces années. C’était super bien.
Quels ont été les entraîneurs qui t’ont accompagné pendant ces années au CNEA ?
J’ai été accompagné par trois entraîneurs. D’abord, Lionel Barnades en charge du pôle espoir, puis Philippe Schweitzer lorsque j’ai intégré le Pôle France, toujours sous le regard aiguisé de Richard Martinez qui a structuré pendant plus de 30 ans la filière haut-niveau de natation à Font-Romeu avant de passer la main à Philippe Schweitzer et prendre la direction de natation course pendant deux ans.
Au départ j’ai eu la chance d’avoir été retenu en Pôle espoir par Richard Martinez et Anne Riff (responsable du pôle espoir à mon arrivée). Non seulement, je ne faisais pas les temps minima exigés, mais j’étais très faible techniquement et physiologiquement. Il y avait un gouffre entre ce que j’étais capable de produire et le haut niveau. Richard et Anne ont vu, je crois, en moi l’étincelle, l’envie. C’est peut-être un peu cliché, mais c’était vraiment un projet qui m’a animé depuis mes débuts en natation.
Richard n’a pas changé. Il regarde beaucoup le potentiel plutôt que le niveau. Il porte toujours une grande attention à l’aisance dans l’eau. Il parle d’aquatique.
C’est dommage qu’en natation ils ne prennent pas plus en compte ces aspects-là et que temps soit encore le seul juge de paix. A 13 ans, tu as des jeunes avec des petits gabarits ou des gens qui n’ont pas assez nagé et qui n’ont pas une natation aboutie. D’autres, à maturité plus tardive restent souvent à la porte des structures d’entraînement parce qu’ils ne font pas le temps exigé. Lors des détections, ils devraient plus regarder le désir, l’envie, la passion, la relation à l’eau. Je pense que c’est ce que Richard a vu en moi parce que niveau natation, j’étais très loin.
Par la suite, je suis passé entre les mains de Lionel Barnades. J’ai appris avec lui « à mieux nager ». Plus de temps pour développer ta technique, beaucoup de douceur, une bonne ambiance. Au début, je voulais rester en Pôle espoir parce que je voyais les nageurs du Pôle France s’entraîner dans les lignes d’à côté et ça ne rigolait pas vraiment. Je craignais de perdre ma passion et ma joie. Mais en fait, tout s’est super bien passé.
J’ai rapidement pris conscience que chaque entraîneur a sa propre personnalité, son caractère, ses propres mots …et que chacun dans leurs différences avaient le même désir de nous aider à progresser et à nous accompagner.
A condition qu’ils aient une vision et des objectifs communs sur les conditions d’émergence de la performance de très haut niveau.
C’était le cas. Mon objectif n’était pas de m’entraîner ou de bien nager mais d’améliorer mes temps et performer en compétition. Après, les contenus, les moyens d’y arriver étaient légèrement différents en fonction de la personnalité de mes entraîneurs.
Les entraîneurs ont bien conscience de la nécessité de se renouveler ; et moi également. C’est pour ça qu’on nageait parfois avec d’autres entraîneurs. Souvent, ils disent les mêmes choses mais différemment. Lorsque ton entraîneur voit quelque chose qui lui semble important, il a tendance à le répéter des centaines de fois. Au bout d’un moment, les mots perdent de leur valeur. Parfois utiliser un autre mot qui veut dire la même chose, mais sur un autre ton et par une autre personne peut s’avérer très positif.
Une des difficultés des entraîneurs est de se renouveler par les mots. Richard Martinez par exemple demande toujours à ces nageurs de « mettre du sens » dans ce qu’ils font à l’entraînement. Ça veut dire quoi mettre du sens ? Non pas que Richard n’ait pas une vision juste du sens qu’il y met, mais il est nécessaire d’interroger le sens que met le nageur dans ce qu’il fait. La seule solution pour sortir de cette impasse est d’échanger pour être bien certain que chacun y met la même chose.
Parfois les entraîneurs n’utilisent pas les mêmes mots pour dire des mêmes choses. C’est pour cela que j’ai des échanges permanents avec Philippe pour être bien certain que l’on se comprend bien. Philippe est responsable de l’ensemble du collectif, et Richard intervient de temps en temps à la demande de Philippe sur des séances techniques individuelles. Chacun s’enrichit de l’autre.
Richard m’a beaucoup aidé au début sur la nécessité de ressentir les choses, d’être focalisé sur l’intention d’aller vite sur l’efficacité du geste. Philippe était plus focalisé sur le chrono, sur la physiologie, la charge d’entraînement, la récupération… Au final, ils s’enrichissent l’un de l’autre. Parfois, ça frite un peu parfois parce qu’ils ne sont pas toujours d’accord sur ce qu’ils voient, sur ce qu’il faudrait faire, mais ils s’adorent.
En tant que nageur, leur collaboration est très pertinente et efficace.
En fait, ce dont tu parles fait référence à ce que l’on appelle processus d’individuation. Chacun change et s’enrichi de son vécu et de ses propres expériences. Le processus d’individuation, c’est le processus de la vie.
On est toujours en transformation permanente sans forcément en avoir conscience. Notre culture, notre système d’éducation a tendance à figer les personnes. Un tel est bon en math. Pour une autre c’est le français. Insidieusement on a tendance à enfermer les gens dans des représentations de ce qu’ils ne sont pas. Un parcours d’entraîneur ou de sportif de haut-niveau relève de ce même processus d’individuation.
Richard et Philippe ne sont plus tout à fait les mêmes depuis qu’ils travaillent ensemble.
Engager un processus de transformation est plus important que le résultat sportif sur une compétition. C’est dans ce sens, que Léon Marchand a travaillé avec son préparateur mental pour préparer les JO 2024.
Je suis là-maintenant comme je suis, mais peut-être que dans 6 mois en allant m’entraîner aux Etats-Unis, je n’aurais peut-être plus la même vision de la performance, et j’aurais changé mes techniques de nage, la façon de m’y prendre, de m’entraîner… Je pars à l’aventure de ma vie.
Lorsque tu décides de partir nager aux Etats-Unis, s’engage à ton insu un processus de transformation (d’individuation), sans pour autant savoir ce qu’il pourra advenir. Cela suppose d’avoir une grande confiance en soi. Comment se prépare ton voyage aux Etats-Unis ?
Mon projet initial a été bouleversé. Bob Bowman, l’entraîneur de Léon Marchand (et anciennement de la légende Michaël Phelps, entraîneur de l’Université d’Arizona qui avait accepté de me recruter) a décidé en avril 2024 de prendre les rênes de l’université du Texas. J’avais donc annulé mon inscription à la faculté en Arizona pour m’inscrire au Texas. Sauf qu’il ne lui a pas été possible de me prendre dans cette nouvelle université. J’ai bien flippé parce que n’avais plus rien. Et puis Dave Sala, un entraîneur américain de grande notoriété a pris la place de Bob Bowman en Arizona. Après quelques échanges en visio, Dave a accepté de me reprendre à l’Université d’Arizona. Je n’ai pas encore trouvé mon appartement mais je pars en famille pour deux semaines au mois d’août dans l’état d’Arizona. Ça va être cool de faire ce voyage en famille. Par la suite je pense uniquement rentrer en France pour Noël. Ce qui m’excite, c’est d’être obligé de me débrouiller à reconstruire ma vie dans un environnement totalement différent dont je ne connais rien ni personne. C’est ce challenge qui m’anime.
Lorsqu’un journaliste de l’équipe interroge Léon Marchand sur son entraîneur Bob Bowman, considérant que dans la mesure où il avait accompagné Michel Phelps, il était un faiseur de talent, Léon Marchand a répondu très adroitement qu’en fait il pouvait se passer d’entraîneur et qu’il était venu essentiellement aux Etats-Unis pour s’entraîner avec la plus forte concurrence mondiale.… Avant de compléter « oui c’est un super entraîneur qui voit immédiatement quand je ne suis pas dans le bon truc. Le fait que tu nages à côté de gars qui sont très forts, meilleurs que toi, ça t’amène inconsciemment à avoir des modalités d’ajustement à te comparer en permanence. J’ai besoin qu’un entraîneur expert me regarde pour savoir si je nage mal ou pas.
Ici à Font-Romeu, je n’ai pas beaucoup de possibilités de comparaison. C’est aussi ce qui me pousse un peu à partir. L’émulation au plus haut-niveau est importante. Quand plusieurs nageurs de même niveau s’entraînent ensemble, ils s’observent, se jaugent, se défient, se poussent … et ça peut même créer des générations de bons nageurs. La brasse féminine française, par exemple, est vraiment en dessous de ce qui se fait mondialement. Une individualité peut monter le niveau et puis après attirer d’autres nageurs … Tout le monde se pousse et la performance nait de cette dynamique. Et puis après tout le monde est convaincu qu’il est possible de performer à très haut niveau. C’est une émulation collective.
Par rapport à une référence comme Léon Marchand, dans quels secteurs identifies-tu tes marges de progression pour accéder au niveau international ?
Je dirais dans un peu tous les domaines mais je suis polyvalent et solide sur mes bases. Forcément, j’ai des points faibles et des points forts plus ou moins marqués. J’ai donc à progresser partout. Dans l’eau, mon départ, mes coulées sont améliorables. Ce sont des choses qui mettent longtemps à se mettre en place.
Je manque de puissance sur la force que je peux appliquer dans l’eau pour me déplacer. Je pense que c’est peut-être mon plus gros point faible. Et également le manque de vécu et d’expérience sur les grands évènements.
J’avais pour ambition de me qualifier aux Jeux Olympiques. C’est peut-être le manque d’expérience en équipe de France Elite qui m’a manqué. J’ai été très déçu d’autant que je pensais en avoir les capacités mais je n’ai pas pu réaliser cette performance le jour J. J’ai fait tout ce que je pouvais. Ce n’est pas passé, mais ça me donne juste encore plus faim pour la suite notamment en perspective des JO de Los Angeles en 2028. Oui, j’ai envie d’accéder à ce niveau, j’ai envie de toucher les plus grands mondiaux.
Ma progression est constante, j’ai remporté les championnats d’Europe espoirs en 2022 ainsi que les championnats d’Europe U23 au 200 Brasse en 2023. Avec mon meilleur temps de l’année, 2’10 04, j’ai été à 3 dixièmes du temps de qualification olympique (2’09 86). Quoi qu’il en soit, j’ai acquis une confiance absolue dans ma capacité à progresser, et cela m’encourage à continuer d’explorer de nouveaux horizons.
Pour trouver la meilleure façon de faire, il est nécessaire d’être dans une démarche exploratoire pour trouver ce qu’il te convient, ta meilleure façon de faire. Le fait d’avoir obtenu des résultats sur des compétitions de référence internationales permet de gagner en confiance dans tes capacités et d’explorer encore et encore pour aller plus loin vers d’autres performances ?
Oui, c’est expérimental parce que je suis singulier. Je ne peux pas copier exactement la technique d’untel ou d’untel. Le processus le fondamental est de chercher tout le temps. Donc cela exige que je sois très présent dans ce que je fais pour y trouver les meilleurs sensations et ajustements.
Derrière un objectif que je me suis fixé, je ne sais même pas à quel point je suis capable d’aller vite. J’aime me surprendre parce que ça m’est arrivé de nombreuses fois. L’objectif est un juste point de référence. La réalisation de l’objectif dépend de ce que j’ai mis en place. Fixer des objectifs permet de définir une direction et de mettre en place une stratégie pour les réaliser.
L’essentiel pour toi est donc bien de développer des habiletés et d’acquérir de nouvelles compétences. Le processus à long terme semble plus important que le résultat immédiat.
Oui, on travaille beaucoup dans cet esprit. En ce qui concerne les objectifs, je pense qu’il est crucial de les décomposer en tâches concrètes. C’est une étape primordiale. Philippe nous rappelle souvent que : « un rêve écrit avec une date devient un objectif, et un objectif décomposé en tâches devient une réalité ». Cette philosophie m’aide à définir des étapes précises pour atteindre mes objectifs. Après chaque compétition, Philippe et moi faisons le point sur ce que j’ai bien fait et ce que je peux améliorer, afin d’établir un plan pour préparer l’échéance suivante.
Cela te permet de penser et de te préparer à ce qu’il va se passer le lendemain. Le haut niveau exige d’être très présent à chaque entraînement. Une présence permanente à ce que tu fais, ce que tu sens, à ce que te dis l’entraîneur.
J’ai beaucoup progressé dans ce domaine. J’ai énormément muri pendant ces six années passées à Font-Romeu. Cette présence à l’entraînement est absolument nécessaire. Je me souviens de ce que tu m’avais dit à propos de Mykhailo Romanchuk. Il ne s’ennuyait jamais à l’entraînement parce qu’il considérait chaque passage de bras comme un défi. Je crois que cette phrase avait également marqué Léon Marchand lors du stage organisé à Font-Romeu avec les collectif espoir (CORE) en 2019. La présence à soi est indispensable dans le sport de haut-niveau, notamment quand tu rêves de grandes choses.
« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche. Peindre précède la réflexion », avance le peintre Pierre Soulage à propos du processus de création. C’est donc bien l’action qui est première. Il insiste sur la dimension première exploratoire de recherche préalable à la création. Cela me semble proche de ta démarche. A priori, tu as une idée générale de ce que tu veux faire, tu sais que tu veux chercher dans cette direction, mais tu ne sais pas exactement comment tu vas t’y prendre.
Oui, tout à fait. Je cherche à aller plus vite sans trop savoir parfois comment m’y prendre. C’est assez global. Je ne suis pas dans spécialement dans l’analyse. Je cherche surtout par rapport à mon ressenti et à la façon dont je pourrais être plus efficace. J’essaye des trucs sans trop savoir ce qu’il va arriver. Parfois la lumière arrive et parfois je vais dans une impasse. C’est très approximatif.
Interrogé sur la façon dont il s’y est pris pour résoudre un problème considéré comme insoluble, Hugo Duminil-Copin[3] un grand mathématicien répondait « J’approxime beaucoup ». C’est très intéressant de voir que dans une science considérée « dure », il est peut-être nécessaire d’approximer pour trouver la solution. Comment procèdes-tu ?
Je n’ai pas le temps d’analyser. C’est à mon entraîneur et aux experts d’analyser. Moi, j’approxime dans le sens où je me dis : Tiens ce que je fais correspond ou pas à la sensation que j’ai eue, et alors il me faut creuser où chercher autre chose. Je procède par ajustements successifs.
De nombreux athlètes utilisent des écouteurs pour éviter la lassitude de l’entraînement ou se changer les idées. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon d’être disponible à soi et à l’environnement. Il faut faire silence pour être attentif à son intériorité, ses sensations pour être plus efficace. Quand tu nages, es-tu à l’écoute des bruits de ton corps, de tes sensations ?
Oui, absolument, je suis très attentif à mes sensations. Dans la mesure où on dispose d’un retour sur image, à chaque fin de longueur, je peux comparer mes sensations à ce que je vois.
C’est rapide et simple, je regarde comment j’ai nagé. C’est très important de se représenter et de savoir ce que l’on fait, et puis je peux avoir le retour de Philippe sur le bord du bassin.
Quels sont les éléments que tu as identifié avec Philippe pour être plus performant ?
Au départ, on a beaucoup parlé d’hygiène de vie, de la nécessité de se coucher à des heures raisonnables, des choses très classiques. J’ai progressé dans ce domaine.
Dans l’eau, je suis obsédé par la nécessité d’être plus efficace. Parfois je pensais avoir trouver ce que je cherchais et régler l’affaire une fois pour toute. Mais en réalité, il faut toujours chercher sans être certain de trouver. La solution, on ne l’a pas, on est essentiellement sur des hypothèses. Philippe peut m’aider à chercher, mais c’est à moi de trouver. La seule solution est d’être en permanence présent à ma nage, et d’explorer différentes situations pour savoir ce que cela peut faire.
Cette révélation est assez récente. Depuis un an, un an et demi, je suis totalement dans cette approche-là. Je pense que mon changement vient des nombreux échanges avec Richard Martinez et mon entraîneur Philippe Schweitzer. Ces échanges m’ont amené à réfléchir sur moi, sur ma façon de m’y prendre. J’ai compris des choses dans l’eau en me recentrant sur moi-même. Auparavant j’étais beaucoup sur la docilité et l’obéissance, écouter la parole du coach et appliquer les consignes, sans forcément m’interroger sur le pourquoi et le comment. Maintenant, je suis beaucoup plus attentif pour comprendre pourquoi le coach propose ceci ou cela. Cela se passe beaucoup dans l’échange.
Dans ta recherche d’efficacité est-ce que tu es en recherche du geste juste, de la technique parfaite ?
Je suis convaincu qu’il ne faut pas rentrer dans un moule et qu’il n’y a pas la nage « qui fait nager vite ». Il faut trouver sa nage, la nage qui te permet d’être efficace. Le geste juste ou la technique parfaite seront toujours différents d’un nageur à l’autre, et d’une compétition à l’autre, même s’il y a des grands principes à respecter.
Cela demande une capacité d’observation, d’écoute de ton corps et d’imagination. Lors des championnats de France 2024, j’ai comparé visuellement les lignes de corps sous l’eau de Léon Marchand et des autres nageurs. Ce qui m’a sauté aux yeux (je ne suis pas expert de la natation) est que la forme que prend le corps de Léon notamment son thorax, son ventre, … sa ligne de corps favorise une poussée d’Archimède vers le haut et l’avant, ce qui lui procure une projection, une accélération et une augmentation de la vitesse. Comparativement à Léon, tu manques certainement de puissance (des bras, des jambes…) mesurée par des données, mais peut-être qu’un des axes à travailler serait de trouver ta propre ligne de corps sous l’eau qui te permettrait d’augmenter ton jaillissement. Je me demande si ces observations ne devraient pas être creusées en natation.
Certainement, ce sujet me semble effectivement très intéressant mais je ne l’ai pas encore abordé avec mes entraîneurs. Je vais donc « chercher » ces prochaines années…en espérant trouver ce que je ne sais pas encore pour performer au très haut niveau et réaliser mes rêves.
Propos recueillis par Francis Distinguin
[1] Pour le philosophe Spinoza :
Le Désir est l’effort pour conserver ou augmenter sa puissance d’agir et de penser.
La Joie est l’augmentation de cette puissance.
La Tristesse est la diminution de cette puissance.
[2] OR : Handball hommes et femmes – Volley-Ball hommes / ARGENT : Rugby à 7 féminins – Basket hommes / BRONZE : Basket femmes.
[3] Il a obtenu en 2022, la prestigieuse médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel de mathématiques, https://www.lexpress.fr › Sciences et Santé